1940... 2011 !

Le sens de l’histoire

L’exposition Femmes Héroïques
réalisée par l’IHS et Culture et
Entreprises à la Maison de l’Histoire
et du Patrimoine (juin 2010) suscite
un réel intérêt puisqu’elle a été
reprise par les Archives
Départementales qui la présentent
conjointement à celle du Musée de
la Résistance Nationale.

Les multiples rencontres et débats organisés sur
place en permettent la visite et de plus, elle fait
l’objet d’une démarche de rencontre des professeurs
d’histoire du collège Rol-Tanguy en complément
des cours portant sur la 2e Guerre Mondiale.

Sollicitée en tant que témoin vivant de cette
période de notre histoire qu’il est de plus en
plus important de remettre en mémoire, je suis
étonnée du sérieux et de la vivacité d’esprit
d’élèves de 15 ans, qui, après la visite font surgir
des questions qui montrent, non seulement les
lacunes des programmes de l’Éducation nationale,
mais aussi le besoin pour la jeunesse de
comprendre les raisons d’un conflit aussi monstrueux,
puisqu’il a fait 50 millions de victimes
parmi les nations impliquées, dont 23 millions
pour la seule URSS.

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Denise Foucard lors de l’inauguration.
© IHS CGT 94

Une guerre qui eut ceci de particulier, c’est
qu’elle a fait plus de victimes après que pendant.
La responsabilité ne se limite pas à la seule
nation allemande, fut-elle la plus directement
impliquée.

Il faut se rappeler que lorsque se profila, sur
fond de crise économique et sociale, l’horreur
du fascisme, il se trouva peu d’États, en tout cas
pas l’État français, pour dresser toutes les
formes possibles de barrage à l’entreprise de
destruction matérielle et morale de l’humanité
qui se dessinait.
Cette carence Européenne incompréhensible
n’entre pas dans les éléments scolaires qui traitent
de cette dramatique réalité.

POUR ÉVITER LES DANGERS, IL VAUT MIEUX LES CONNAÎTRE

Il n’est donc pas superflu de raviver la
mémoire sur quelques données historiques qui
donnent un éclairage assez éloquent des
énormes responsabilités des divers gouvernements
issus de la droite française sur lesquelles
les politiques d’aujourd’hui restent d’une grande
discrétion.

L’élémentaire objectivité serait d’admettre que
les 3e et 4e Républiques ont non seulement négligé le phénomène, mais qu’il a même été
encouragé, et nul ne peut prétendre que c’était
dans l’ignorance de ce qu’en seraient les terribles
conséquences.

Les premières manifestations de la politique
fasciste apparurent en Italie en 1922 ou le roi
abandonna ses pouvoirs à Mussolini qui instaura
un régime fasciste c’est-à-dire basé sur l’intolérance,
la violence, le totalitarisme, la dictature du
plus fort sur le plus faible.

Il était de plus, fortement soutenu par les
milieux industriels qui profitaient largement des
méthodes répressives de l’État pour renforcer
l’exploitation et maintenir la misère du peuple
italien.

Simultanément, en Allemagne, le parti ouvrier
national socialiste créé par Hitler concevait sa
politique fasciste sous des propos de sécurité
populaire et de promesses d’une vie meilleure. Le
peuple Allemand, écrasé par une crise économique
profonde et un nombre considérable de
chômeurs dans un complet dénuement était sensible
à ce discours : l’excès de misère n’est jamais
facteur de réflexion et encore moins d’action.

Toutefois, un mouvement de révolte se dessinait,
dirigé par les syndicats et le Parti communiste
qu’Hitler s’empressa de juguler par une
violente répression.

Ce fut alors la construction de camps conçus
pour l’organisation scientifique de la mort
massive des opposants. Ainsi avant 1939, il y
avait déjà 300 000 militants ouvriers exécutés
dans ces camps, dont on connait le rôle qu’ils
jouèrent dès la 2e Guerre Mondiale déclenchée.

En 1925 Hitler publia sa profession de foi
sous la forme d’un livre Mein Kampf qui se
diffusa largement en Europe et aux États-Unis.
Il y développait toute l’idéologie du fascisme
conçue avec Mussolini et y ajoutait le racisme
comme pierre angulaire de la politique nazie.
Les abominables projets furent présentés en
France comme une folie personnelle en oubliant
que le parti nazi prenait en Allemagne de plus
en plus de poids.

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Denise Foucard entourée de sa famille et de ses amis.
© IHS CGT 94

Hormis les milieux de gauche qui lancèrent
l’alarme sur l’ampleur du danger, les gouvernements
de tous les pays du monde capitaliste,
firent preuve d’un laxisme, dont la seule explication
est que leurs intérêts ne se trouvaient
nullement menacés par une telle politique.

Ils n’en faisaient pas mystère, puisque pour
soutenir les groupes fascistes qui se manifestaient
de plus en plus ouvertement en France,
impliquant les grands industriels, on brandissait
le mot d’ordre « Plutôt Hitler que le Front
populaire ».

Alors que les succès électoraux de la gauche
en 1936 avaient ouvert une ère nouvelle de
progrès social, les forces du capital organisèrent
dès 1937-38 les conditions de la revanche
la plus monstrueuse qui soit.

Les acquis sociaux sont abandonnés les uns
après les autres et la pression du grand patronat
sur le gouvernement Léon Blum issu du Front
populaire est telle qu’il abandonnera le pouvoir.

Il tombera alors entre les mains d’une droite
particulièrement revancharde dirigée par
Daladier et Laval.

La soif du profit, contraire à l’intérêt national

La grande bourgeoisie s’engagera dans la voix
de la trahison nationale.

Tout alla très vite, la répression contre les
manifestations syndicales et de gauche deviendra
de plus en plus violente.

Puis ce fut la signature avec Hitler d’un accord
de « bon voisinage ».

Ils n’ignoraient pas que ce « voisin amical »
avait déjà annexé l’Autriche et que le projet qu’il
poursuivait était l’annexion de toute l’Europe.

Ce fut d’ailleurs sur la base d’un accord avec la
France que lui fut livrée la Tchécoslovaquie
(accords de Munich en 1938).

Sur cet accord honteux, l’écrivain Romain
Rolland s’exprimait ainsi « Maudit soit l’homme qui
aura ouvert les portes de la guerre. Le jour de l’entrée
d’Hitler à Prague sera un jour de deuil pour tous les
Allemands. Peuple Allemand tu seras une fois de plus
soumis à la loi des vainqueurs.
 »

Ce furent pourtant tous les peuples d’Europe
qui subirent le même sort.
La mise en oeuvre de la politique du National
socialisme avait pour figure de proue le nazisme
et la monstrueuse théorie de la race supérieure
préparant l’extermination sociale des juifs, des
tsiganes, des handicapés, des homosexuels. Il s’y
ajouta toute l’opposition politique et syndicale,
avec en premier lieu les communistes.

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Un public attentif lors de l’inauguration.
© IHS CGT 94

La 2e Guerre Mondiale fut pour la France une
simple mascarade que l’on appela la Drôle de
guerre.
Elle ne durera que le temps de livrer à Hitler
deux millions de soldats français contraints de
rester en Allemagne pour travailler au service de
la toute puissance militaire du IIIe Reich qui
poursuivait le conflit contre l’Angleterre, les
États-Unis puis l’URSS.

La France n’existait plus en tant que Nation.
La guerre des alliés était venue trop tard, l’entreprise
fasciste exécutant le programme
d’Hitler (Mein Kampf) était déjà lancée et la
France trahie par ses propres dirigeants n’était
plus qu’un valet soumis. Le champ libre laissé
aux fascistes de l’intérieur représentait un
double danger pour le peuple.

Cette dépendance de notre pays, désastreuse
pour sa dignité et sa vie en tant que nation ne
troublait pas les consciences des grands possédants
et des politiciens de droite qui les représentaient
puisque leur mot d’ordre largement
affiché était « plutôt la servitude que la guerre ».
C’est justement cette servitude au fascisme que
les forces vives de la France refusèrent.

L’appel à la Résistance lancé le 18 juin 1940
par le général de Gaulle parti à Londres avec
d’autres officiers qui refusaient l’esclavage,
l’appel du député communiste Charles Tillon [1]
du 17 juin appelant les français à la Révolte et
celui de la CGT, firent naître l’idée d’un front de
combat contre l’occupant. Ainsi débuta une
guerre civile qui fit de très nombreuses victimes
parmi les militants et militantes de gauche. Ce
fut une prise de conscience de longue haleine,
les illusions créées par la mise en place d’un
supposé gouvernement français à Vichy ayant
fait naître un espoir vite déçu.

Les années noires de l’Occupation

L’Assemblée nationale avait voté les pleins
pouvoir à Pétain qui fut présenté comme le
sauveur de la France alors qu’il était en fait le
bourreau. La police qu’il mit sur pied était d’une
cruauté égale ou pire que la Gestapo allemande.
Tous les députés communistes furent arrêtés,
emprisonnés ou déportés, un grand nombre
furent fusillés.

Il ne faut jamais oublier que les 76 000 juifs
français exterminés dans le camp d’Auschwitz le
furent sur arrestation de la police française du
gouvernement de Vichy. Comme ce fut
d’ailleurs le cas des résistants arrêtés, torturés,
assassinés.

Dès 1940 il y avait déjà 6 800 fusillés au mont
Valérien, 800 place Balard et 900 au Fort de
Romainville, dont de nombreux dirigeants
nationaux de la CGT.

Si je suis entrée dans ces explications qui,
quoique succintes peuvent paraître un peu
ardues pour des jeunes de 15 à 16 ans, c’est en fonction de la question qui me fut posée par
l’un d’entre eux :

Pourquoi y avait-il dans l’exposition autant de
femmes communistes et syndicalistes CGT dans
une action qui aurait dû mobiliser tout le
monde ?

Les femmes de le devoir de citoyen

Il est également nécessaire que l’occasion soit
donnée de parler de cette terrible tranche de
notre histoire au travers du rôle important trop
souvent occulté qu’y ont joué les femmes.

Certes nombre d’entre elles manifestaient déjà
avant guerre leur indignation face à la montée du
fascisme, aux conditions économiques qui en faisaient
les victimes les plus frappées puisque soumises
en plus à des discriminations intolérables.

De grandes organisations féministes se développèrent
contre la guerre, pour les droits
égaux, contre les lois qui les cantonnaient dans
un rôle subalterne au sein de la société comme
au sein du foyer.

Elles revendiquaient leurs droits de citoyennes
comme une avancée de nature à harmoniser la
société dans son ensemble et aussi comme la
plus élémentaire justice.

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Une exposition pour rappeler ce que fut la Résistance.
© IHS CGT 94

Dès lors, leur implication dans le refus de l’occupation
devint une évidence face à une France
colonisée, où elles furent placées comme responsables
du foyer alors qu’on leur avait tout
pris : le mari, les enfants, la liberté et la dignité.
Elles furent de tous les combats
- pour faire vivre leur famille ;
- pour agir et revendiquer en tant que
citoyennes responsables ;
- pour travailler dans les usines livrées à
l’occupant où elles participaient aux sabotages
de la production destinée à l’Allemagne ;
- pour libérer la France et transformer la
société.

La résistance des femmes, loin d’être mineure,
était indispensable pour une réelle efficacité du
combat à mener.

Loin d’être épargnées par la répression, nombreuses
sont celles qui ont laissé leur vie sous la
torture, en déportation ou décapitées puisque
tel était le sort réservé aux résistantes arrêtées,
jugées indignes d’un peloton d’exécution.

Il est bien que soit levé aujourd’hui le voile
trop souvent jeté sur l’origine de l’idéologie qui
a pu générer un tel degré d’abjection, dont on
sait qu’elle surgit inévitablement des dégradations
de sociétés porteuses de précarité, d’exclusion,
de misère et de haine.

Si au lendemain de la Libération il fut plus
facile d’aboutir au vote des femmes, on peut s’étonner
que lorsque fut accordé le titre de « compagnon
de la Libération » ; 1053 hommes reçurent
ce titre pour seulement 6 femmes. Ceci
témoigne de ce qu’il reste à faire.

Le danger du fascisme est-il éradiqué ?

Question : aurait-il été possible d’éviter la
main mise du fascisme sur la France ?

Hier, comme aujourd’hui, les mêmes causes
produisent toujours les mêmes effets.

La signification actuelle d’une politique furieusement
anti-sociale dictée par les puissances
d’argent et totalement méprisante du rejet de
plus en plus généralisé qu’elle suscite, couve en
elle-même des dangers dont il est nécessaire que
les peuples aient pleinement conscience afin
d’en éviter les effets désastreux.

Des effets qui s’expriment déjà avec la dérive
extrême droitière du pouvoir et la remontée du
Front national qui, sous des dehors souriants,
populistes et mensongers entame un processus
antisocial encore plus destructeur ; les procédés
utilisés par Hitler ont fait des émules.

Or, n’est il pas symptomatique de voir que la
politique conduite par le gouvernement Sarkozy
s’attaque essentiellement au contenu du programme
élaboré durant la Résistance par le
Conseil National de la Résistance ?

Ce programme de redressement économique
et social fut conçu par ceux-là même qui se battaient
dans l’ombre au péril de leur vie durant
l’occupation, pour libérer la France et lui redonner
valeur de Nation Démocratique.

Le programme novateur de liberté, de redressement
national et de progrès social fut appliqué
par le 1er gouvernement du Général de Gaulle
dés 1946. Il a permis un essor économique réel
alors que la France était ruinée et détruite par 6
années d’atteintes graves à toutes les valeurs
morales matérielles et humaines.

La revanche comme en 1940 ?

Tout laisse à penser qu’il s’agit aujourd’hui
d’une vaste entreprise revancharde d’un capitalisme
dont les résultats sont un échec cinglant
au niveau mondial.

Il est important que se soit exprimé très clairement
Bernard Thibault, secrétaire général de la
CGT, sur la tentative Le Péniste de tromper les
salariés sur ses motivations véritables en tentant
d’instrumentaliser les syndicats. « Ceci, dit-il, a
pour objectif d’en faire des marchepieds au
service d’une stratégie politique. »

Bien sûr, cela rejoint l’obsession de la droite
Sarkozyste d’user de tous bois pour détourner
l’attention des citoyens de sa politique économique
et sociale calamiteuse.

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Un hommage à l’héroïsme des femmes militantes.
© IHS CGT 94

Voilà, j’ai essayé de montrer les raisons profondes
qui font qu’encore aujourd’hui les
milieux politiques font preuve de la plus grande
discrétion quant aux responsabilités réelles de
tout le monde capitaliste dans les horreurs que
nous avons le devoir de mettre au jour, ce que
retrace notre exposition.

Le Medef d’aujourd’hui est le fidèle continuateur
de l’argent roi, auteur de trahisons fascistes
d’hier. Le baron Seillière n’a jamais caché sa
fidélité à l’idéologie de ses ancêtres du Comité
des Forges qui furent au début du 20e siècle les
pires prédateurs du monde du travail.

Et sa direction d’aujourd’hui, même si un
coup de Ripolin féminin tente de la représenter
d’une moderne humanité, n’infirme pas la
logique destructrice du capitalisme.

Il faut bien rappeler que les organisations
patronales qui collaborèrent avec les nazis et
s’enrichirent copieusement sur les décombres de
la France, furent disqualifiées à la Libération,
frappées d’indignité nationale et exclues des
projets de redressement national. On comprend
mieux dès lors la déclaration de l’écrivain
François Mauriac : « Seule dans sa masse la classe
ouvrière a su rester fidèle à la patrie profanée. »
Car pendant que le patronat collaborait avec le
fascisme, la CGT et les partis de gauche se battaient
contre l’occupant sur le sol français, et
protégeaient les familles juives. Plusieurs centaines
de milliers d’entre eux y laissèrent la vie.

Cela fit dire au général de Gaulle « Grâce à la
classe ouvrière le mot honneur peut encore se prononcer
en français. »

Avec la détermination combative de la CGT
et l’expression de vif mécontentement qui
grandit dans des couches de plus en plus élargies
du peuple français, il est possible d’imposer
une autre société plus équitable et ouverte aux
progrès économiques, sociaux et culturels.
Ce serait rendre à la France son honneur déjà
dangereusement écorné.

Denise Foucard

[1Charles Tillon, ministre de l’Air du 1er gouvernement
du général de Gaulle à la Libération.