Le féminin doit-il l’emporter sur le masculin ?

Il y a de cela un certain temps...

...Me trouvant devant un juge (pour
des raisons fort honorables !), je
dis à cette dame « Madame la
juge
 ». Mal m’en a pris car la dame en question
me répondit vertement :
– « On dit Madame le juge ! »
– « Et pourquoi ? » osais-je.
– « Parce que, Monsieur, ce n’est pas à moi en tant
que personne que vous vous adressez, mais à moi en tant
que faisant fonction de juge, et la fonction n’ayant pas de
sexe, elle est invariable quelle que soit la personne qui
l’occupe.
 »
Me le tenant pour dit et quittant le tribunal, je
saluai le planton de service d’un sonore « Au
revoir Madame le gendarme
 ».

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Agentes de polices
D.R.


Mal m’en a pris encore car la dame en question
se rebiffa : « On dit Madame la gendarme ! ». Je
m’excusai comprenant à son regard que cette
dame me soupçonnait d’avoir insulté sa féminité
sous prétexte qu’elle portait un uniforme et que
si j’avais invoqué pour ma défense les lois de la
grammaire, je risquais de retourner devant le/la
juge, mais cette fois-ci, menotté.
Cette aventure me plongeâ dans la plus grande
perplexité et ne voulant insulter personne, je
décidai de me pencher sur cette question : faut-il,
oui ou non, féminiser les appellations de
métiers, des grades et des fonctions ?
En fait, comme souvent, cette histoire commence
au début, du temps où comme le disait
Karl Marx le communisme primitif régnait et
que le premier homme s’appelait Lucie.
Puis les choses ont commencé à se gâter avec
la découverte de l’agriculture, de l’élevage et
enfin de la propriété qui amenèrent Cromagnon
à décider que les femmes resteraient à
la maison pour s’occuper des champs et de la
marmaille et que les hommes partiraient à la
chasse et s’occuperaient des affaires extérieures.
De ce fait quelques millénaires plus tard, la
plupart des métiers et des fonctions sociales
étant tenues par des hommes c’est tout naturellement
qu’on leur donna des appellations masculines.
Ceci à l’exception notable des métiers
liés à la domesticité !
Ainsi il n’y eut pas de femme, chef, juge,
colonel, ou archevêque, ni médecin-sorcier,
maréchal-ferrant, tailleur de pierre, sapeur pompier
ou cocher de fiacre.
Mais en revanche il y eut des couturières, des
blanchisseuses, repasseuses, lavandières, des
nourrices et des sages femmes (termes pour lesquels
il ne fut même pas jugé nécessaire de créer
de terme masculin).

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La spécilaisation des tâches
D.R.

Mais la division de la société entre Homme et
Femme ne s’arrêta pas là. Très vite les hommes
se divisèrent à nouveau, d’abord entre forts et
faibles, puis très vite entre riches et pauvres.

Ainsi les fonctions masculines selon qu’elles
furent occupées par des riches et forts ou des
pauvres et faibles ne se déclinèrent pas de la
même façon.
Preuve s’il en était besoin que même le
langage comporte une dimension politique.
Il y eut des fonctions et métiers prestigieux
pour les uns et des fonctions et métiers subalternes
pour les autres.
Et même dans les fonctions et métiers des
classes dominantes il y eut des hiérarchies.
Il y a en fait trois catégories dans les fonctions
supérieures :
- Les chefs, ceux qui faisaient la loi,
- les militaires, qui sont chargés de faire
appliquer cette même loi,
- et les religieux, qui eux expliquent que la loi
est juste, vu que c’est dieu qui l’a voulu ainsi.
Mais la nature étant ce qu’elle est, les hommes
tout supérieurs, riches et forts qu’ils soient,
n’en demeuraient pas moins attachés à leur
femme ne serait-ce que pour se reproduire (je
ne détaille pas, chacun connaît le sujet).
Ainsi à chaque fonction, correspond une
règle particulière, pour la « moitié » de son titulaire.
L’ordre des chefs étant un privilège de naissance,
les femmes de ces messieurs ont droit à
une certaine considération et la femme du
Sieur en question se voit créditée du même
titre et de plus, féminisé.
Ainsi il y a des rois et des reines, des comtes
et des comtesses, des ducs et des duchesses et
des barons et des baronnes.
Chez les militaires, le titre n’est plus féminisé
mais il peut être porté par l’épouse du titulaire,
il y a donc des « Madame la générale » et des
« Madame la colonelle ».
À noter toutefois que plus l’on descend dans
la hiérarchie et plus cet usage se perd.
De fait, il y a très peu de « Madame la brigadier-
chef ».
Et au niveau du simple troufion il n’existe
guère que le terme « Fille à soldat ». Ce qui
n’était pas une fonction très prestigieuse.
Dans l’ordre religieux, chez les catholiques, il
n’est pas prévu de femme du curé (dieu n’est
pas marié !).
Il existe bien des bonnes sœurs, voire mêmes
des mères supérieures. Mais en aucun cas elles
ne peuvent devenir curé, évêque ou archevêque.
Je sais qu’un jour, par inadvertance, on a élu
une femme pape mais c’était une grossière
erreur vite corrigée par le rite de la chaise
percée.
Dans ce tableau, Jeanne d’Arc occupe une
place à part, puisqu’elle a pu obtenir, avec
succès, le titre de Général en chef des armées.
Mais voilà, elle était vierge et coiffée comme
un garçon !
Jeanne d’Arc a pu transgresser l’ordre des
choses mais pas sa féminité.
Cela dit, il semble d’après certaines études que
le Moyen-Âge, plus près de la nature et moins idéologique ne voyait pas d’inconvénient à féminiser
une fonction si cela était rendu nécessaire
et ce ne serait qu’avec l’émergence de la bourgeoisie
que cette pratique a été remise en cause.
La Révolution de 1789 proclame l’égalité de
tous, homme ou femme devant la loi, et transforme
les fonctions héréditaires en fonctions
électives.
Mais elle n’autorise pas la féminisation des
fonctions de l’État.
Pire, si je puis dire, on coupa la tête aux reines,
comtesses, duchesses, baronnes, etc.
Mais les Sans-culottes se refusèrent à féminiser
 : accusateur public ou commissaire du
peuple ?
Même si pour s’en excuser, ils firent de la
République une femme, Marianne.

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Buste de Marianne
F. LAMIOT (CC BY-SA)


Le code Napoléon vint peu après confirmer
cette infériorisation du statut des femmes.
Ce n’est réellement qu’avec l’industrialisation,
la République et l’école pour tous, que le statut
des femmes va commencer à changer.
Du fait de ces transformations, les femmes, de
plus en plus instruites, vont pouvoir accéder à
des métiers nouveaux, dans l’éducation, la santé,
très vite elles vont pouvoir revendiquer leur
place dans les administrations.
Au début de années 1930 il n’est plus rare de
rencontrer des femmes juge, inspecteur
d’Académie, directeur d’administration,
médecin, etc.
Cette évolution se poursuit avec le droit de
vote et l’éligibilité.
Pour autant il reste hors de question de féminiser
les titres, on continuera à dire Madame le
juge, Madame le maire, Madame l’inspecteur,
etc.
C’est au cours des années 1950-1960 qu’on va
assister à un basculement de ces concepts.
D’une part parce que dans l’économie, des
pans entiers de l’activité se sont féminisés au
point que les femmes y sont majoritaires, c’est le
cas notamment dans l’Éducation nationale ou
dans la santé.
Mais aussi sous la pression des mouvements
féministes, avec notamment la figure emblématique du MLF qui va s’appuyer sur le développement des sciences de la personne, de la linguistique
et de la psychanalyse en particulier pour
avancer l’idée que la structure de la pensée est
identique à celle du langage et que nous ne
pouvons penser, et à plus forte raison exprimer
notre pensée, autrement que dans les formes
qui sont celles du langage.

Ainsi dans notre langue, donnant la priorité au
masculin sur le féminin, nous ne pourrions pas
penser autrement que dans le cadre de cette
opposition et de cette domination.
La conclusion est simple pour penser l’égalité
il faut que le langage soit égalitaire.
De fait, les preuves de cette « machisation » du
langage sont évidentes et connues de tous.
Il n’est que de se rappeler que le masculin
l’emporte toujours sur le féminin.
Que le terme Homme représente l’espèce
entière et le mâle en particulier, alors que le
terme Femme ne représente que la femelle ou
l’épouse de l’homme.
De même pour un certain nombre de termes
qui, quand on les féminise prennent une connotation
péjorative, voire sexuelle.
Le maître, la maîtresse, un gars, une garce, un
entraîneur, une entraîneuse.
C’est en réaction à cela qu’on va voir apparaître,
dans le langage militant, puis dans le
langage courant et même institutionnel des : Chers et chères compatriotes, Chers et
chères camarades, ou « ami » suivi d’un « e »
entre parenthèses, ou bien encore le célèbre
«  travailleurs, travailleuses ».
Dans ce mouvement, la CGT ne sera pas en
reste. Pas une convocation qui ne se libelle
ainsi : « Cher(e) Camarade ». Jusqu’à une affiche de
l’Ugict où inscrivait en gros caractères le terme
« Engagé(es) ». Cela se veut incontestablement un
progrès, la parenthèse n’étant pas là pour enfermer
la féminité mais au contraire pour dire
qu’on ne l’oublie pas.
Mais dans l’industrie, l’administration, toujours
pas question de féminiser les appellations.
À noter également que de nombreuses
femmes qui accèdent à des postes hiérarchiques
se refusent à la féminisation de leur appellation,
craignant que le terme féminin ne soit dévalorisé
par rapport au même terme masculin.
Mais dans le même temps, il en est d’autres,
qui toujours avec le souci de l’égalité vont exiger
qu’on reconnaisse leur féminité et que leur
fonction en porte la trace.
Ainsi selon les cas et les administrations, on va
voir se côtoyer des « Madame l’inspecteur » avec
des « Madame l’inspectrice », des « Madame le
directeur » avec des « Madame la directrice » et
ainsi de suite.

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Arlette Laguillier
D.R.

Le commun des mortels ne sachant plus à quel sein se vouer, on est là, face à un fait de société qui ne peut laisser indifférent les pouvoirs
publics.
En 1984 le gouvernement s’empare de cette
question : une commission chargée de la féminisation
des noms de métiers et de fonction est
mise en place.
En 1986 cette commission rend son rapport
et préconise la féminisation généralisée, mais
dès lors que le terme est d’usage courant.
Cette précision est importante car qu’est-ce
qu’un usage courant s’agissant de termes qui ne
sont que peu ou pas utilisés ?

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Yvette Roudy
D.R.


Sur proposition d’Yvette Roudy, alors ministre
des Droits de la femme, sort une circulaire signée
du premier ministre Laurent Fabius où il est dit :
«  L’accession des femmes de plus en plus nombreuses à des
fonctions de plus en plus diverses est une réalité qui doit
trouver sa traduction dans le vocabulaire
 » et demande
à ce que les recommandations de la commission
évoquée plus haut rentre dans les faits.
En fait cela revient à dire que quand le
féminin a réussi à s’imposer (par exemple directrice,
secrétaire générale, conseillère, institutrice,
infirmière), on doit y avoir recours, mais quand le féminin n’existe pas ou n’est pas d’un usage
courant (substitut, professeur, recteur, agent,
etc.), eh bien, on fait comme on peut et on s’en
remet sagement à une nouvelle commission de
terminologie de la langue française qui devra
nous éclairer sur ce point.

Dans les faits donc, peu de choses changent et
pour cause, car si les difficultés dans la féminisation
des métiers, grades et fonctions sont
assurément dues à des réticences idéologiques,
elles sont aussi et en premier lieu dues à l’usage
d’une langue qui a sa propre histoire et sa
propre logique et qui dans le cas du français est
une langue à genre.
C’est à dire, une langue où tout être, toute
chose, tout objet est désigné en plus de son
nom par un article qui le détermine comme
étant de genre féminin ou de genre masculin.
Il n’est pas un seul Français qui ne se soit posé
la question de savoir au nom de quoi un tabouret
est masculin, une chaise féminin.
Pourquoi « amour » est masculin au singulier
et féminin au pluriel ?
Pourquoi des mots comme juge, architecte,
diplomate, sont exactement les mêmes aux
féminin et au masculin, et pourquoi d’autres
changent de sens en se féminisant, un bal, une
balle...

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Baleine à bosses
D.R.


Pourquoi une baleine, un castor sont indifféremment
masculin ou féminin, et pourquoi un
chat peut être une chatte, alors qu’un taureau
n’est pas une taurinette mais une vache.
Et nous pourrions multiplier les exemples.
L’impossibilité à trouver les raisons morphologiques
qui seraient à l’origine des appellations,
repose sur le fait qu’il est faux de penser que le
genre représente le sexe [1].
De fait, il semble bien quand on remonte aux
origines indo-européennes de la langue qu’il n’y
avait que deux genres, l’animé et l’inanimé.
Puis qu’avec distinction des fonctions, la
nuance féminin/masculin prend de l’importance.
Il y a eu besoin d’un genre animé féminin ou
animé masculin et d’un genre inanimé parfois
féminin, parfois masculin, parfois neutre, ce qui
devenait particulièrement compliqué à manier.
Sachant qu’en ce temps-là, la division
animé/inanimé n’était pas la même qu’aujourd’hui
 : l’orage, la foudre, le soleil par exemple
étaient animés.
Donc l’utilisation du genre, simple au départ
devint très vite un vrai casse-tête.
Dans leurs différentes évolutions les langues
issues de l’indo-européen ont toutes trouvé des
solutions particulières qui les distinguent encore
aujourd’hui.
L’anglais et l’allemand ont opté en général
pour le neutre pour tout ce qui est inanimé et le
féminin ou le masculin pour le règne du vivant.
En revanche le français a opté pour la généralisation
du genre masculin ou féminin pour,
tous et toutes animés ou non.
En français donc, on a retenu que ce serait le
masculin considéré comme un neutre qui servirait
pour tout le monde animé avec la possibilité
d’utiliser le féminin uniquement si cela s’avère
nécessaire de spécifier le sexe.
Ce qui revient à dire que le masculin est prioritairement
neutre avant que d’être masculin.
Ce n’est que par la suite que les hommes se
sont emparés du neutre et en ont fait leur chose
à eux.
Dans le dictionnaire de Littré qui date de
1872, au mot « homme », Littré donne un
certain nombre de définitions qui toutes se rapportent
à l’espèce humaine, à commencer par la
première, « animal raisonnable ».
Il faut attendre la onzième définition du mot
pour que Littré précise : « mot définissant les personnes
de sexe mâle
 ».
Ainsi pour Littré c’est de toute évidence la
définition neutre qui prime sur la définition
sexuée.
Dans l’animé, le cas des animaux est tout a
fait révélateur du choix purement culturel du
genre.
Lorsqu’un un animal a peu de rapport avec
l’homme alors son genre importe peu, baleine
girafe n’ont pas de masculin pas plus que castor
ou boa de féminin.
En revanche quand un animal côtoie les
hommes, sans pour autant servir à quoi que ce
soit, il a une forme féminine qui découle de la
forme neutre ou masculine : chat-chatte, chien-chienne,
lion-lionne, etc.
Mais quand un animal est essentiel à la vie des
humains alors il n’a pas seulement une féminisation
de son nom, mais il a droit a une appellation
spécifique : bouc-chèvre, brebis-mouton,
vache-taureau, cochon-truie, coq-poule, etc.
En ce qui concerne l’inanimé, la règle est
purement orthographique et phonétique, en un
mot le choix s’est fait pour être le plus agréable
possible à entendre.
Ainsi en français, la plupart des mots finissant
en -age, -isme, -eur, -oir, -ment ou -il sont masculins
à plus de 90 %.
Alors que les mots se terminant par -ade, -ion, -ence, -te, -ille ou -ude sont féminin dans la
même proportion.
Mais comme toujours en français les exceptions
viennent confirmer la règle, par exemple
« l’heure ».
Donc sans nier que la langue est aussi le lieu
où se joue les rapports de force et de pouvoir,
c’est principalement cette réalité linguistique qui
fait que, malgré la volonté politique de féminiser,
certains mots résistent et qu’il est difficile
d’appliquer une logique liée au sexe réel, dans
une langue où le genre n’a que peu de chose à
voir avec lui.

Pour autant la question reste entière : que
doit-on faire et que doit-on dire ?
Nous en étions là de ce flou artistique quand
en 1996, après les Jupettes du gouvernement
Juppé, les ministres femmes du gouvernement
Jospin revendiquent le fait d’être appelées
Madame la ministre et plus Madame le ministre.
S’appuyant sur cette revendication, le premier
ministre ressort une circulaire et il demande à ce
que cette fois la féminisation des appellations
entre réellement dans les mœurs et exige de la
commission créée 12 ans plus tôt, qu’elle rende
son rapport au plus vite.
De plus il charge l’Institut de la langue
française de bien vouloir établir un guide pour
aboutir à la féminisation de tous les noms de
métiers, titres et fonctions.
La première commission rend son rapport
quelques mois plus tard, elle confirme qu’il n’y a
pas d’obstacle à la féminisation des noms de
métiers.

Mais qu’en revanche les appellations de la
fonction publique n’ont pas à être féminisées, au
nom du respect de la neutralité de la fonction,
neutralité qui se trouve exprimée dans le genre
masculin, qui en français n’est pas à confondre
avec le sexe masculin.
Et de conclure que les politiques ne devraient
pas légiférer sur la langue qui est l’expression de
la souveraineté nationale et correspond à une
histoire et à un usage.
Ce qui revient sans le dire à proposer le
contraire de ce que voulait le gouvernement.
Puis un an plus tard, sort à son tour l’autre
rapport qui s’intitule : «  Femme j’écris ton nom,
Guide d’aide à la féminisation des noms de métier, fonction,
grade ou titre.
 » Cet ouvrage est préfacé par
Lionel Jospin lui-même.
En fait, le premier ministre ne dit pas qu’il ne
remet pas en cause le premier rapport, mais il en
limite la portée.
Il estime qu’effectivement dans tous les textes
administratifs et juridiques où il est fait état
d’une fonction, sans référence précise à la personne
physique qui l’occupe, il y a lieu de respecter
la règle de la langue française qui veut
que le masculin soit employé pour le neutre.
Mais qu’en revanche, quand la fonction fait
référence à la personne physique qui l’occupe
alors l’appellation doit être féminisée.
Cette loi a maintenant une dizaine d’années,
elle n’a jamais été modifiée, ni abrogée c’est
donc elle qui s’applique. Même si dans certain
corps, la justice par exemple, les réticences sont
nombreuses.

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L’institutrice
D.R.

Le gouvernement de M. Sarkozy utilise en
général la formulation de « Madame la
ministre ».
Ainsi, dans un texte réglementaire de l’Éducation
nationale on doit dire « Qu’il est du devoir de
l’Inspecteur d’académie de recevoir les parents d’élèves
 ».
Mais si le rendez-vous a lieu, là où l’inspecteur
se trouve être une inspectrice, on doit écrire « Il
est du devoir de Madame l’inspectrice de recevoir les
parents d’élèves
 ».
De fait, deux choix s’offrent à nous :
Soit on réaffirme que le genre n’est pas le sexe
naturel, que le masculin exprime avant tout le
neutre et on remet l’homme à sa juste place.
Mais dans ce cas que faisons-nous des mots et
terme dont la féminisation est devenu l’usage ?
Faut-il revenir en arrière et supprimer les
intendantes, surveillantes, directrice, présidente,
etc. ?
Soit on fait le choix de féminiser partout et
coûte que coûte en espérant que ce qui choque
aujourd’hui ne choquera peut être plus demain.

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Simone Veil à l’Académie
D.R.

C’est le choix qu’a fait le Québec [2].
Notons que ces deux options si elles sont
contradictoires ne relèvent pas de conceptions
idéologiques différentes, les deux se situent clairement
du point de vue de l’égalité des sexes.
Et c’est là ce qui fait la difficulté du débat.
À ce stade on peut remercier les inventeurs du
socialisme d’avoir opté pour le terme camarade,
qui va à l’un comme à l’une et d’avoir laissé
compagnon à la droite.
Cela dit j’ai vu dernièrement passer une invitation
rédigée comme suit :
«  En présence de Nicole X, ancien président du
Conseil national [...] et de Claude X, écrivaine, directrice
de collection.
 »
Ou encore sur un tract appelant à la manif du
16 octobre le slogan :
« Toujours plus nombreux-ses pour les retraites ! ».
Comme quoi rien n’est simple.
En résumé : la chance de notre langue c’est
qu’elle est encore vivante et si elle est chargée
d’histoire, elle n’est pas pour autant un objet de
musée. Sa fonction première reste de nous permettre
de communiquer, d’échanger nos idées,
nos émotions et de témoigner de l’état de la
société.
La langue d’hier était celle du pouvoir hiérarchique
et des hommes, aujourd’hui nous avons
besoin d’une langue qui traduise la démocratie
et l’égalité des sexes.

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Valentina Terechkova, première femme cosmonaute.
D.R.

Ça prendra du temps, il y aura des problèmes,
des allers-retours, mais nous n’y échapperons pas.
Et dernière analyse chacun convient que c’est
l’usage qui fera force de loi.
Ce qui revient à dire que dans ce domaine,
comme peut-être dans d’autres, il n’est pas illégitime
que ce soit la rue qui fasse la loi et pas le
législateur.

[1À noter d’ailleurs que les féministes ne disent pas
autre chose quand, s’appuyant sur les sciences du langage,
elles mettent en avant la notion de genre par opposition
au sexe naturel. Nous naîtrions certes avec un sexe naturel
homme ou femme, mais le genre féminin ou masculin
serait une construction culturelle.
Ce que Simone de Beauvoir résumera par la formule « On
ne naît pas femme on le devient ».
Cette distinction du genre par rapport au sexe va être
fondamentale dans la lutte contre ceux qui persistent à
penser que les différences sont inhérentes au sexe et donc
naturelles et qu’il ne faut pas chercher à s’y opposer.
Par ailleurs cette distinction va s’avérer essentielle aussi
dans les revendications pour la reconnaissance de
l’homosexualité.

[2Nos amis Belges wallon, et pas moins francophones
que nous, las d’attendre la position des institutions
françaises, avaient décidé que quand une femme occupait
pour la première fois un métier ou une fonction jusque-là
tenue par les hommes, il n’y avait pas lieu de féminiser
l’appellation, ceci pour bien montrer que la femme avait
conquis un poste d’homme. Mais lorsque pour la
deuxième fois une femme accédait à la même fonction, il y
avait lieu de féminiser le terme, car il ne s’agissait plus
d’une conquête mais d’une habitude !

À télécharger :
Jeanne d’Arc

D.R.

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Femme au travail

D.R.

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