Otages ou résistants ?

La banalisation des prises d’otages
sur notre planète, sous des
prétextes divers : opinions
politiques ou religieuses, rend
difficile la comparaison avec une
histoire souvent évoquée mais aussi
souvent déformée, celle de la
Résistance contre l’occupation nazie
durant la Seconde Guerre mondiale.

Cet été 2010, le journal l’Humanité a présenté
chaque jour en dernière page une
grande figure de la Résistance. C’est bien
et nécessaire pour les jeunes générations.
Souvenirs pour les uns, leçon d’histoire pour les
autres, mais à chaque fois une admiration et un
respect profond.
Toutefois je me permettrais de faire quelques
remarques de vocabulaire, l’amalgame de certains
mots est malheureusement très constant
dans les médias. Ainsi pour moi, il est dangereux
de confondre les mots « résistant » et
« otage ».

JPEG - 131.7 ko
La plaque commémorative
© IHS CGT 94

Par exemple, parlant de Guy Môquet : « [...] il
est fusillé avec vingt-six otages...
 »
Je trouve plus justifié de dire : « il est fusillé avec
vingt-six résistants, arrêtés par la police française en
application de la loi du 26 septembre 1939, votée par le
gouvernement Daladier. C’est en vertu de cette loi que
toutes les arrestations qui suivront, visant les militants
syndicalistes ou communistes, a pour objet de briser la
résistance que ces hommes et ces femmes opposent à ce
gouvernement depuis la fin du Front populaire.
 »
L’académicien André Chanson disait : « Résister,
c’est sans doute se battre mais c’est aussi faire plus :
c’est se refuser d’avance à accepter la loi de la défaite.
 »
Ainsi les députés communistes arrêtés dès
septembre 39 et jugés en août 40 par le tribunal
militaire de Paris, procès dit des « 44 », et dont
leur avocat Marcel Willard devait dire « Ils ont
choisit de se battre plutôt que de se soumettre
 », ne
peuvent être considérés que comme des résistants
 ! et c’est bien pour cela qu’ils seront
condamnés.
Quand le général de Gaulle lance à Londres, le
18 juin 40 : « La flamme de la résistance française ne
doit pas s’éteindre
 », il signifie lui aussi le refus de
s’incliner devant l’acquiescement des
« résignés » !
Déjà pour tous nos camarades retenus prisonniers
la résistance contenait un triple caractère :
- un sursaut national ;
- une révolte contre la tyrannie d’une idéologie
monstrueuse : le nazisme ;
- une France retrouvée et ouvrant la voie à
une République démocratique faite de progrès
social.

Voilà ce qui les animait, le pain, la paix, la
liberté, contre les conspirateurs qui voulaient
étrangler la « Gueuse » au nom d’« Hitler plutôt
que le Front populaire
 ».
En 36, le patronat avait eu très peur, et maintenant
avec les dirigeants de Vichy il avait de
nouveau le pouvoir de condamner ceux qui les
avaient fait trembler. C’est ainsi que lorsque les
Allemands réclamèrent des otages, le ministre
de l’Intérieur Pucheu désigna avec leur accord,
27 responsables de la classe ouvrière, militants
résistants, comme étant ceux qu’il fallait fusiller.

Guy Môquet et ses vingt six camarades sont
donc morts en tant que résistants et non pas en
tant qu’otages.
Il n’est qu’à prendre le Petit Larousse pour voir
que les mots parlent d’eux-mêmes :
- Otage : personne dont on s’empare et qu’on utilisera
comme moyen de pression contre quelqu’un pour
l’amener à céder à des exigences.
- Résistant : qui participe à une action de résistance
contre un occupant ennemi.
Aujourd’hui quand je lis l’expression « résistant
de la première heure », je me pose toujours
la question : quel jour, quelle heure ?
Toutes ces femmes et ces hommes militants
syndicaux, communistes, sympathisants de
gauche, n’ont jamais figé le jour ou l’heure de
leur révolte. Elle a été une réaction citoyenne du
combat à mener dans l’immédiat contre la mise
en oeuvre d’une entreprise criminelle de destruction
des valeurs essentielles de la République et
de l’Humanité.
Leur action n’avait pas à s’inscrire dans un
jour particulier, elle était la suite logique d’un
engagement continu au service du peuple, pour
certains depuis longtemps, pour d’autres depuis
1936.
Combat qui ne s’est pas éteint avec la fin de la
guerre et qui se poursuit aujourd’hui face aux
basses manoeuvres de la politique actuelle de la
droite, des agissements de toutes sortes marqués
du sceau de l’argent roi, du règne du capitalisme
financier destructeur, agissant en opposition avec l’honneur de la Résistance contre la barbarie,
les tortures et la mort scientifiquement programmée.
Et pour une société faite de justice et de
progrès social pour tous.

Madeleine Quéré