Intervention du président de l’IHS

Intervention de Jacques Aubert lors
de la sortie du 24 octobre 2010.

Bonjour à tous et merci de votre présence.

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Moment de recueillement
© IHS CGT 94

Encore une fois, grâce à vous, la CGT
du Val-de-Marne sera fortement représentée
à cette cérémonie de Châteaubriant.
Merci aux camarades de l’UD qui ont mis tout
en oeuvre pour réussir cette journée, notamment
Cédric, Rachid et nos camarades retraités.
Merci à l’Union locale de Bonneuil et à la
mairie de Bonneuil qui ont fait en sorte que
nous ayons un car à notre disposition.

Cette année, la commémoration de
Châteaubriant prend un aspect inédit puisque
nous sommes dans le contexte d’une mobilisation
générale contre la politique du gouvernement.
Ceci doit nous conduire à porter un regard
différent sur la fusillade de Châteaubriant.
Sur le fond, ce que le gouvernement affirme
avec sa réforme des retraites, c’est que demain
nous vivrons moins bien qu’aujourd’hui, alors
que depuis la « nuit des temps », l’homme s’est
toujours battu pour que demain le monde soit
meilleur qu’aujourd’hui.
Sans remonter jusqu’à Spartacus, mais la
Révolution française, la Commune, le Front
populaire, la Libération sont autant d’étapes
dans cette lutte pour que demain soit meilleur
qu’aujourd’hui.
Ainsi ce gouvernement va à l’encontre du
sens de l’Histoire, à l’encontre du chemin pris
par l’humanité.
La Résistance, les fusillés de Châteaubriant
s’inscrivent dans cette histoire d’un avenir
meilleur. Ils s’y inscrivent d’autant plus que c’est
par le sacrifice de ceux de Châteaubriant et de
milliers d’autres après eux que la France retrouvera
la liberté et que le CNR, à la Libération,
généralisera le droit à la retraite.

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Porteurs de gerbes
© IHS CGT 94


Entre ceux qui manifestent aujourd’hui et
ceux qui hier tombaient sous les balles allemandes,
il y a un lien direct : c’est l’espérance
que demain sera meilleur qu’aujourd’hui.
Cette lutte pour un avenir meilleur a un nom :
c’est la lutte des pauvres contre les riches, la
lutte des faibles contre les forts. C’est la lutte de
ceux qui ont tout, contre ceux qui ne possèdent
que leur force de travail. En un mot, la lutte des
classes.
La fusillade de Châteaubriand n’est pas qu’un
épisode de la guerre, elle s’inscrit durablement
dans cette lutte des classes.
En 1936 c’est la victoire du Front populaire
qui va imposer un ensemble de réformes que le
patronat n’acceptera jamais.

Rappelons-nous le mot d’ordre de la droite :
« Plutôt Hitler que le Front populaire ».
Un an plus tard c’est la pause dans les
réformes, la non-intervention dans la guerre
d’Espagne, et en fin de compte en 1938, c’est le
retour de la droite au pouvoir.
Le patronat va enfin pouvoir prendre sa
revanche.
En 1939 il est évident que l’Allemagne se
prépare à la guerre.
Les alliés hésitent puis refusent un accord
avec l’URSS pour éviter la guerre.
On ne s’allie pas avec ceux qui s’opposent aux
classes dirigeantes.

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Monument à la gloire des fusillés
© IHS CGT 94


En août 39, c’est la signature du Pacte
germano-soviétique. Vous connaissez tous cet
épisode je n’y reviens pas. Chacun sait aujourd’hui
que sans ce pacte l’URSS n’aurait jamais
pu gagner la guerre, mais la droite va se saisir de
ce prétexte pour mener sa politique contre le
monde du travail.
Le 1er septembre, l’Allemagne envahit la
Pologne.
Le 26 septembre, le PC est interdit.
Le 8 octobre, 44 députés communistes sont
arrêtés.
L’argument pour les arrêter est simple : puisqu’ils
sont favorables à un pays qui signe avec
Hitler, alors ce sont de mauvais Français.
On voit comment la droite a utilisé l’occupation
pour attaquer ceux qui luttaient contre le
patronat.
Le 12 mai, l’Allemagne envahit la France.
Le 14 juin, les Allemands sont à Paris.
Le 17, Pétain appelle à cesser le combat.
Le 18, c’est l’appel du général de Gaulle.
Le 9 novembre, les syndicats sont dissouts, la
France est occupée.
La résistance commence à s’organiser.
Le 21 août 41, le colonel Fabien abat un
soldat allemand à Paris.
Le 20 octobre à Nantes, un officier allemand
est abattu. Le 21, un autre à Bordeaux.
Les Allemands vont alors réclamer au gouvernement
français, 50 otages, pour l’exemple et
pour impressionner dans l’espoir de casser toute
tentative de résistance.
C’est le ministre de l’Intérieur français,
Pucheu, qui établira la liste.
Pucheu, c’est un ancien collaborateur du
patronat français, militant fasciste de la première
heure. Il ne choisira pas les otages au hasard
mais il les prendra parmi les militants communistes
et les syndicalistes toujours en prison.
C’est ce fameux Pucheu qui fournit la liste des
27 de Châteaubriand qui seront fusillés par les
Allemands le 22 octobre. Sur les 27, tous sont communistes, plusieurs sont des militants CGT
responsables de fédérations.
Il y a un débat aujourd’hui : doit-on dire qu’ils
ont été fusillés comme otages ou comme résistants
 ? Je crois qu’il faut dire que les Allemands
ont exigé des otages et que le gouvernement de
Vichy a livré des résistants.

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Guy Môquet
© IHS CGT 94

Et parmi ces résistant il y a Guy Môquet, dont
l’actuel président de la République avait souhaité
que l’on lise dans les établissements scolaires la
lettre qu’il a laissé à ses parents avant d’être
fusillé.
Mais avez-vous remarqué comment cette
année, le gouvernement est resté discret sur
cette question ?
L’année dernière ici-même je disais :
«  M. Sarkozy évoque Guy Môquet pour faire croire
qu’il poursuit l’intérêt national et pour faire oublier
qu’en fait, il liquide les acquis de la Résistance et donc ce
qui était le combat de Guy Môquet.
 »
Et nous étions d’accord pour dire qu’en
faisant cela M. Sarkozy essayait de détourner
l’histoire pour masquer sa politique.
Je pense que nous avions raison.
Mais ce qui est nouveau cette année, c’est que
la droite au pouvoir ne se donne même plus le
mal de cacher son forfait.
Au contraire, elle affirme sa politique et n’a
plus peur du rapprochement avec les mesures
prises à l’époque par Vichy et sa filiation avec le
pétainisme.
La droite reprend les acquis sociaux , mais elle
reprend également le terrain idéologique qui est
le sien et qu’avant elle n’osait pas avouer.
Regardez bien, il y a un lien avec le recul sur
les acquis sociaux, la mise à mal des services
publics, les attaques sur la retraites, le code du
travail, les attaques contre la laïcité et la politique
de l’identité nationale, la politique honteuse
de stigmatisation des roms (on commence
par les gitans et après ?).
Il y a un lien avec cela et l’étalage des richesses
de certains, comme il y a un lien avec les
attaques de la démocratie. Que ce soit avec les
événements autour de l’affaire Bettencourt, que
ce soit avec la remise en cause des collectivités
locales et donc avec la démocratie de proximité ou que ce soit dernièrement par la remise en
cause du droit de grève.
Jaurès le disait, « la République sera sociale ou ne
sera pas
 ».
Eh bien avec la fin du social, c’est notre
République qui est menacée.
Quand Guy Môquet a été arrêté, les tracts
qu’il tenait dans la main ne disaient pas autre
chose.
Guy Môquet, c’est le plus jeune des 27 fusillés
de Châteaubriant. Il a 17 ans.
Il est le fils d’un député communiste de Paris,
Prosper Môquet, arrêté en octobre 39. Guy a
alors 15 ans. Il n’accepte pas le départ de son
père, pas plus qu’il n’accepte la situation du
pays, alors il va s’engager, devenir un militant.
Il est arrêté au cours d’une distribution de
tracts, le 13 octobre 1940 à la gare de l’Est. Sur
son tract on parle de la libération des députés
arrêtés, des conditions de travail, des salaires,
des mesures à prendre pour éviter que les
ouvriers soient les premières victimes de cette
guerre.

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La valise de Guy Môquet
© IHS CGT 94


Ce qu’il fait est interdit puisque les syndicats
et les partis politiques sont dissouts.
Lors de son jugement il est reconnu coupable,
mais le tribunal exige que, vu son âge, il soit
rendu à sa mère. C’est sur ordre de la préfecture
qu’il sera maintenu en prison jusqu’à ce jour
d’octobre 41 où le sinistre Pucheu l’inscrira sur
la liste des otages à fusiller. Il avait 17 ans !
Et quand je dis 17 ans aujourd’hui, je suis
amené à faire le parallèle avec ces lycéens qui
manifestent. Le pouvoir nous dit qu’ils ne comprennent
rien, qu’ils sont manipulés, parce qu’à
17 ans on n’aurait rien dans la tête.
Guy Môquet est là pour nous rappeler la vérité.
À 17 ans, on peut mourir pour la liberté, pour
le progrès social.
À 17 ans, on est bien assez grand pour comprendre
cette idée universelle que l’avenir, c’est
le progrès et pas la régression.
Et c’est faire injure à Guy Môquet et à la jeunesse
que de ne pas voir cela.
C’est pourquoi notre présence aujourd’hui, a
toute son importance, pour honorer la
mémoire de nos camarades, mais plus encore
pour dire que le combat continue.
On est là pour l’histoire, mais modestement
on est là aussi pour l’avenir, et c’est important
qu’on soit nombreux.

Alors merci encore à vous tous d’être là
aujourd’hui.

Jacques Aubert