Châteaubriant

Discours de bienvenue

Mot de bienvenue prononcé lors de la sortie à Châteaubriant au nom de l’UD et de l’IHS par le camarade Jacques Aubert.

Bonjour à tous.

Je voudrais en premier lieu vous remercier de votre présence. Encore une fois, grâce à vous, la CGT du Val-de-Marne sera fortement représenté et c’est important.

Je voudrais remercier les camarades de l’UD qui ont mis tout en œuvre pour réussir cette délégation notamment Cédric, Rachid et nos camarades retraités.
Remercier également l’IHS et notamment sa présidente d’honneur, notre camarade Denise Foucard, qui pour des raisons de santé ne peut être des nôtres.
Remercier l’Union Locale de Villeneuve-Saint-Georges et Éliane Vinet ainsi que la mairie de Villeneuve-Saint-Georges qui a accepté de mettre ce car à notre disposition.
Cet après-midi vous allez entendre des discours, des évocations, de cette histoire tragique des fusillés de Châteaubriant. Je ne voudrais pas rajouter un énième discours pour répéter les mêmes choses d’autant plus que si vous êtes là, c’est parce que vous avez une petite idée de ce qu’est cette manifestation ; donc je vais tenter d’être bref.
Mais pour bien comprendre ce qui a conduit à la fusillade de Châteaubriant, peut-être faut-il évoquer le contexte.

C’est une histoire qui vient de loin, de 1936 et la victoire du Front populaire qui impose un ensemble de réformes que le patronat n’acceptera jamais. Rappelez vous, c’est le mot d’ordre de la droite « plutôt Hitler que le Front populaire ».
Puis un an plus tard c’est la pause dans les réformes, la non-intervention dans la guerre d’Espagne et en fin de compte le retour de la droite au pouvoir.
Le patronat va enfin pouvoir prendre sa revanche. En 1939 il est évident que l’Allemagne se prépare à la guerre. Les alliés hésitent puis refusent un accord avec l’URSS pour éviter la guerre. En août 39, c’est la signature du pacte germano-soviétique. Vous connaissez tous cet épisode je n’y reviens pas. Le 1er septembre l’Allemagne envahit la Pologne. Le 26 septembre le PC est interdit. Le 8 octobre, 44 députés communistes sont arrêtés. L’argument pour les arrêter est simple : puisqu’ils sont favorables à un pays qui signe avec Hitler, alors ce sont de mauvais français.
Là encore on voit comment la droite a utilisé l’occupation pour attaquer ceux qui luttaient contre le patronat.
Le 12 mai, l’Allemagne envahit la France.
Le 14 juin, les Allemands sont à Paris.
Le 17, Pétain appelle à cesser le combat.
_Le 18, c’est l’appel du général de Gaulle.
Le 9 novembre, les syndicats sont dissous, la France est occupée, la résistance va s’organiser.
Le 21 août 41, le colonel Fabien abat un soldat allemand à Paris. Le 20 octobre à Nantes, un officier allemand est abattu.
Le 21, un autre à Bordeaux. Les Allemands vont alors réclamer 50 otages, pour l’exemple et pour impressionner dans l’espoir de casser toute tentative de résistance.
C’est le ministre de l’Intérieur français, Pucheu, qui établira la liste. Pucheu c’est un ancien collaborateur du patronat français, militant fasciste de la première heure.
Il ne choisit pas les otages au hasard mais prend parmi les militants communistes et les syndicalistes toujours en prison.
C’est lui qui fournit la liste des 27 de Châteaubriand qui seront fusillés par les Allemands le 22 octobre. Sur les 27, tous sont communistes, plusieurs sont des militants CGT responsables de fédérations. Et parmi eux Guy Môquet, dont l’actuel Président de la République a souhaité que l’on lise la lettre qu’il a laissée à ses parents avant d’être fusillé.
C’est sur ce point que je voudrais m’arrêter un instant.
Pourquoi donc, ce président dont on connaît par ailleurs la politique réactionnaire, éprouve-t-il le besoin de parler de Guy Môquet ?
J’évoquai il y a un instant 36 et la revanche que le patronat a voulu prendre avec la collaboration. Mais à la Libération en 45, ce patronat est complètement discrédité, et grâce au programme du CNR on peut imposer des conquêtes sociales sans précédent. Vous les connaissez : la sécu, les nationalisations, le droit de vote des femmes, les Comités d’entreprise, etc.

Tout ça parce que la victoire de la France a une caractéristique particulière : elle s’est fait très largement grâce à la Résistance.
Et la Résistance pour beaucoup, c’est la classe ouvrière. Ce sont les salariés, les militants, ceux qu’hier on voulait mettre en prison qui ont sauvé la France. La classe ouvrière a sauvé le pays. Elle a sauvé les usines, le patrimoine, les châteaux, les musées. Elle a sauvé la richesse nationale, elle a donc droit à cette part de la richesse. Et la France va vivre des décennies sur cet idéal issu de la Résistance et du programme du CNR. Avec des aléas des retours en arrière.
Même de Gaulle n’a pu arriver au pouvoir, en parti, que parce qu’il était le général résistant de cette guerre.

Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est à l’ambition d’un capitalisme qui n’a rien oublié, rien cédé volontairement et qui attend sa revanche et pense que le moment est venu de reprendre l’ensemble de ce qu’il a dû concéder, et pour cela, pour cacher la manœuvre, il lui faut réécrire l’histoire.
Pas dire que les patrons étaient des gentils, qu’ils n’ont jamais été collabos. Non ! Ils sont pas fous ce mensonge ne passerait pas mais plus simplement pour essayer de masquer la réalité de ce qu’ils sont en train de faire aujourd’hui. En encensant Guy Môquet ce n’est pas de la récupération, c’est une tentative d’amnésie.
Il s’agit de faire croire à une continuité de l’intérêt national, où s’inscrirait l’actuel gouvernement qui continuerait de gérer au mieux les intérêts de la France, certes dans la difficulté, parce que c’est la crise et qu’il faut bien accepter des sacrifices, comme d’autres l’ont fait hier, mais au service du peuple alors ne vous inquiétez de rien, le pouvoir fait au mieux de nos intérêts.
Et dans le même temps ils sont en train de tout détruire tout ce qui était les acquis de la Résistance et au-delà. Jaurès disait « la République devra être sociale ou ne sera pas ». Cela veut dire qu’au train où vont les choses, c’est y compris la République, la démocratie qui sont menacées.
Le sens de notre place ici c’est d’affirmer que nous ne sommes pas dupes et que nous défendrons les conquêtes ouvrières et que nous exigeons aujourd’hui de nouvelles conquêtes.
Je n’insiste pas je sais que vous êtes convaincus.

Je voudrais juste évoquer Guy Môquet.
Guy Môquet, c’est le plus jeune des 27 fusillés de Châteaubriant. Il a 17 ans. Il est le fils d’un député communiste de Paris, Prosper Môquet, arrêté en octobre 39. Guy a alors 15 ans. Il n’accepte pas le départ de son père, pas plus qu’il n’accepte la situation du pays, alors il va s’engager, devenir un militant. Il va distribuer des tracts pour exiger la libération des députés arrêtés, pour les conditions de travail, les salaires, pour éviter que les ouvriers soient les premières victimes de cette guerre.
Il est arrêté au cours d’une de ces distributions de tracts, le 13 octobre 1940 à la gare de l’Est. Ce qu’il fait est interdit puisque les syndicats et les partis politiques sont dissous. Lors de son jugement, il est reconnu coupable mais le tribunal exige que, vu son âge, il soit rendu à sa mère. C’est sur ordre de la préfecture qu’il sera maintenu en prison jusqu’à ce jour d’octobre 41 où le sinistre Pucheu l’inscrira sur la liste des otages à fusiller. Il avait 17 ans.
On a raison de dire que ce jour-là, les Allemands ont fusillé un résistant, un militant et c’est faire honneur à Guy Môquet que de rappeler cela. Je ne dirai pas que les nazis ont tué un enfant parce que la guerre avait fait de lui un homme. Mais en ôtant la vie à Guy Môquet, ils ont enlevé une vie qui n’avait pas encore eu le temps de s’épanouir.

Et souvent je pense à cela, quand il faut se lever le matin, quand il faut aller distribuer des tracts, préparer une intervention, repartir dans une réunion le soir alors qu’on est fatigué et que peut-être on pourrait s’excuser et rester chez soi, devant la télé.
Dans ces moments-là, une fraction de seconde je pense à Guy Môquet et à d’autres, à cette vie qui n’a pas eu lieu et à tous ceux qui ont su se sacrifier pour les générations futures.
Et cette fraction de seconde me suffit et je pars à ma réunion.
C’est pour cela qu’aujourd’hui, c’est important qu’on soit là, pour honorer leurs mémoires mais plus encore pour dire que le combat continue.

Aujourd’hui on ne fait pas que de l’histoire, mais modestement on est là pour l’avenir et c’est important qu’on soit nombreux.
Alors merci encore à vous tous.

Jacques Aubert