Billet d’humeur

J’adore manifester !

C’est bien simple depuis 1962, j’en rate pas une !

Enfin presque, parce que le 30 mai 68, sur les Champs Élysées pour crier vive De Gaulle, j’y étais pas ; pas plus qu’en mai 83 pour l’école libre et dernièrement le 13 janvier contre le mariage pour tous, je n’y étais pas non plus.
Mais en dehors de ça, je peux me vanter d’avoir eu la semelle militante !
De la République à Bastille, de la Bastille à Nation, de Nation à Denfert-Rochereau, de Denfert à Palais-Royal et de là à la République, et parfois même plusieurs fois par an, sous la pluie, le froid ou le soleil.
Et j’en ai crié des slogans :
— « Paix en Algérie »,
— « Paix au Vietnam »,
— « Le fascisme ne passera pas »,
— « CRS, .. ! »,
— « Plus jamais ça »,
— « Non à de Gaulle, à Pompidou, à Giscard, à Chirac »,
— « Non au CPE, au chômage, à la réforme, à la crise ».
Cela n’a pas toujours été facile. À Charonne, neuf camarades y ont laissé leur peau, tués par la police. En 68, fallait courir et on n’évitait pas toujours les coups de matraque.
Je me souviens aussi qu’en 74 on avait défilé en criant « 500 000 chômeurs ça suffit », on y croyait !

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Contre l’ANI, le 5 mars 2012, Paris.

Et puis en 83 Mitterrand, il a dit « Quand il y a un million de personnes dans la rue on retire le texte » et la loi sur l’école publique est passée à la trappe, il a fallut la digérer cette manif-là.

En 95, j’ai amené ma fille à sa première manif. C’était contre le CPE et on a gagné, elle était contente.
Du coup elle y est retournée toute seule, plus tard, avec son lycée. C’était pour la retraite à 60 ans, moi aussi j’y étais et des millions d’autres avec nous et plusieurs fois.Mais cette fois là, rien ne s’est passé ! Peut-être aurions nous dû prendre le temps de réfléchir pour savoir si la manif était encore la forme d’action la plus adaptée ? Mais on n’a pas eu le temps, la droite a accéléré son offensive.

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Contre l’ANI, le 5 mars 2012, Paris.

Peu de temps après, la crise est arrivée avec les attaques contre le service public et le pouvoir d’achat. Alors on a repris le pavé, ressorti les drapeaux, les banderoles et on s’est retrouvés à quelques milliers pour l’École publique, un peu moins pour l’hôpital, on est quand même arrivés à dix mille, un jour de pluie, pour refuser l’austérité en France comme en Europe. À croire que la manif ne faisait plus recette.

Puis le 13 janvier la droite met plusieurs centaines de milliers de personnes dans la rue pour s’opposer au mariage pour tous et 15 jours plus tard la gauche en met autant pour soutenir ce fameux mariage.
Et cette fois encore, pour la deuxième manif, j’en étais.
Pour une belle manif, ce fut une belle manif, avec des jeunes, des vieux, des slogans rigolos, de la musique, des déguisements. Les gens étaient beaux, heureux d’être là, on souriait, personne n’était en colère, ce n’était pas une manif contre mais une manif pour ! Et désintéressés avec ça, car sur il y avait là plus de manifestant que d’homos prêts à publier les bans, mais tous étaient convaincus que la manif allait dans le sens de l’histoire et que plus tard ils pourraient dire fièrement le 27 janvier j’y étais.

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Contre l’ANI, le 5 mars 2012, Paris.

J’étais contant moi aussi, la preuve était faite que les manifs ce n’est pas un vieux truc démodé. Mais sur le chemin du retour je ne pouvais pas m’empêcher de penser : tous ces amis, ces copains, ces camarades, ces militants, tout ces gens prêts à s’engager pour une noble cause, pourquoi n’étaient-ils pas là le jour de la manif contre l’austérité ?

C’est important le mariage pour tous, mais l’austérité ? La misère ? C’est moins important ?

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Contre l’ANI, le 5 mars 2012, Paris.

La dernière, c’était le 5 mars contre la transcription par la loi des accords de flexibilité. Certes il y avait du monde et puis c’était le début de la mobilisation.

Mais enfin, j’ai l’impression que tous ceux du 27 janvier n’étaient pas là. C’est peut-être parce que c’était les vacances scolaires ?

Jacques Aubert