CGT

Les Accords du Perreux

Il y a 70 ans, le 17 avril 1943, étaient élaborés les Accords du Perreux.

Fin 1942, Jean Moulin avait reçu mission du général de Gaulle de réunir l’ensemble des mouvements de Résistance, afin d’assurer à la France une légitimité face aux Américains qui n’accordaient aucun intérêt à un gouvernement hors du pays (Londres) s’appuyant sur des forces nationales clandestines qui n’avaient, selon eux, rien d’une armée.
Les premiers contacts que prit Jean Moulin furent avec Benoît Frachon, responsable de la CGT illégale, pour envisager en premier lieu l’union des forces syndicales les plus susceptibles d’entraîner les mouvements de la Résistance intérieure. Il faut rappeler qu’en 1939, les militants communistes avaient été exclus de la CGT, traqués par la police, arrêtés, souvent fusillés ou déportés. Toutefois ils ne s’estimèrent pas marginalisés ou évincés du syndicalisme et entreprirent clandestinement la lutte contre l’Occupation allemande et ses complices du gouvernement de Vichy.
Entre la CGT confédérée restée légale et la CGT reconstituée illégalement, une telle rencontre n’était pas chose facile tant le fossé était profond depuis la scission de 1939.
Une rencontre entre Benoît Frachon et Léon Jouhaux, responsable des confédérés le 22 septembre 1942 devait ouvrir les possibilités d’œuvrer ensemble à une réunification dans le but commun de la Libération de le France. L’arrestation et la déportation de Jouhaux en mars 1943 précipita les choses.

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Le 17 avril 1943 eut lieu en pleine nuit au Perreux, dans un pavillon appartenant à M. Fritsch, ouvrier syndiqué du bois, une rencontre qui devait décider de la réunification de la CGT.
Y participaient : Henry Raynaud et André Tollet, pour la CGT illégale et Louis Saillant et Robert Bothereau, pour les confédés.
On élabora les principes d’un texte de création d’un Bureau confédéral CGT et on mit sur pied un programme prévoyant l’action du présent et le projet d’avenir de la France libérée.

Fort de cet important succès, Jean Moulin s’en empara pour lancer l’idée de l’union de tous les mouvements de la Résistance avec la création d’un Conseil national de la résistance. Jean Moulin se servait des Accords du Perreux comme d’un élément moteur, ce qu’ils furent réellement et qu’il est légitime de ne pas laisser dans l’oubli.
Robert Chambeiron, bras droit de Jean Moulin et vice-président du CNR, s’exprime ainsi sur cette union des forces de la Résistance :
« La création du CNR le 27 mai 1943 permit d’écarter le danger qui aurait fait peser sur notre indépendance l’intention des États-Unis d’installer en France au fur et à mesure de la libération du territoire, une administration militaire sous contrôle américain, qui aurait privé notre pays de la maîtrise de ses droits.  »
Il serait injuste d’évaluer le poids de l’union des mouvements de la Résistance sans tenir compte de la part prise par le monde du travail au combat libérateur et donc du rôle spécifique du syndicalisme dans la Résistance.

Accords du Perreux

1°. Le mouvement confédéral est réunifié en respectant la physionomie qui était la sienne en septembre 1939.

2°. En premier lieu, l’unité se réalise au sein du Bureau confédéral. Cette réalisation tient compte des décisions de principe du Comité confédéral de Nantes. En conséquence, le Bureau sera composé de trois représentants d’une tendance et de cinq représentants de l’autre tendance. Les membres régulièrement élus du Bureau, défaillants, empêchés ou absents du territoire métropolitain, seront remplacés dans leurs fonctions par des membres choisis par les Camarades de leur tendance.

3°. L’unité se réalisera selon des principes identiques dans les Unions départementales et les Fédérations. Les proportions existant entre les tendances en septembre 1939 seront rétablies dans chaque Union et chaque Fédérations.
Dans le but d’assurer le meilleur fonctionnement possible du mouvement syndical, le Bureau confédéral précise que si les circonstances imposent aux organisations deux sortes d’activité, une légale et une clandestine, il n’y a cependant qu’un seul mouvement syndical confédéré en vertu des difficultés, à des organismes légaux et clandestins pour accomplir le travail total du mouvement ouvrier en période de guerre.
À chaque échelon, il ne doit y avoir qu’un seul organisme de direction dans les deux branches d’activité légale et illégale et dont les décisions sont valables pour tous.
Cette direction est le Bureau reconstitué dans l’esprit d’unité qui a présidé aux élections des bureaux en fonction en 1939. Ce Bureau peut être, selon les circonstances et les situations syndicales de fait, un Bureau légal ou illégal.

P.S. :

(Paru dans Notes et Documents n°1239, le 2/12/49, Documentation Française)