1939-1945

Louis Renault, un collabo

Il est né en 1877, fonde son entreprise en 1898.
Avant guerre, il rêve de hisser son entreprise au niveau européen et ainsi d’être en mesure de concurrencer l’industrie automobile américaine. Cette ambition européenne devant le conduire à rencontrer les chefs d’états européens et notamment Adolph Hitler.

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Louis Renault en 1926


Si l’automobile était au cœur de la production des usines Renault, l’entreprise avait également acquis une grande compétence dans le matériel militaire. Les chars Renault étaient particulièrement renommés et la guerre de 14/18 n’avait pas été pour rien dans la fortune de l’industriel, qui recevra même la Légion d’honneur pour sa participation à la défense de la patrie.
Pour autant quand la menace d’une nouvelle guerre se précisa, Louis Renault ne se montra pas très empressé pour mettre son savoir faire au service de la France. En 39 il déclarait devant ses salariés «  La Défense Nationale, je m’en fous ; ce que je veux, ce sont des Primaquatre, des Juvaquatre, des voitures qui paient ». Il mit son véto à tout effort de guerre et prôna l’« entente » franco-allemande entre gens de bonne volonté, Hitler en tête.
La suite on la connait : la défaite de la France, l’occupation et l’utilisation de l’industrie française au service de l’Allemagne.
Si de nombreux français allaient s’illustrer dans la résistance, d’autres, beaucoup d’autres, n’hésitèrent pas à collaborer avec l’ennemi.
Là encore on connaît l’histoire : à l’inverse de la classe ouvrière, nombre de grands patrons n’hésitèrent pas à se complaire dans la collaboration. C’est en partie cette situation qui créa un rapport de force favorable à la Libération, pour les forces progressistes et permit tant les avancées sociales du CNR que les nationalisations, notamment dans entreprises dont les patrons furent condamnés pour trahison.

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Renault-Frères, Boulogne-Billancourt.


Louis Renault fut de ceux-là.
Condamné pour avoir mis son entreprise au service de l’ennemi, il fut arrêté en septembre 44. Son usine fut nationalisée en janvier 45, mais pas ses biens personnels.
Dans l’ordonnance signée du général de Gaulle instituant la nationalisation on peut lire : «  Alors que les livraisons fournies par la société Renault à l’armée française s’étaient montrées notoirement insuffisantes pendant les années qui ont précédé la guerre, les prestations à l’armée allemande ont, durant l’occupation, été particulièrement importantes et ne se sont trouvées freinées que par les bombardements de l’aviation alliée des usines du Mans et de Billancourt. »
Louis Renault devait toutefois éviter son procès puisqu’il décède en octobre 44 à la prison de Fresnes où il est enfermé.
Par la suite l’entreprise Renault nationalisée vivra l’aventure industrielle que tout le monde connaît et les héritiers de Renault purent jouirent sans problème de la fortune laissée par le grand-père.
Or voilà que le 13 juillet 2010, la Cour d’appel de Limoges, saisie par les sept petits-enfan ts de Louis Renault, condamne le Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane, à payer 2 000 euros aux plaignants et à retirer de son exposition permanente (depuis 1999) une photo de l’industriel auprès d’Hitler et Göring, au salon de l’auto de Berlin de février 1939, leur montrant une Juvaquatre, accompagnée de cette légende : « Louis Renault présente un prototype à Hitler et Göring à Berlin en 1938 (sic) [...] Louis Renault fabriqua des chars pour la Wehrmacht. Renault sera nationalisé à la Libération ».
Selon la cour d’appel de Limoges, il n’existe aucun lien entre les atrocités commises à Oradour et le comportement de l’industriel avant 1940 : celui-ci sacrifiant à des réceptions officielles avec un pays qui n’était pas en guerre avec la France.
Soit, mais cela ne dédouane pas pour autant Louis Renault pour le comportement qu’il a eu après juin 40.
C’est pourtant à partir de ce jugement que s’est développée depuis janvier 2011 une vaste campagne médiatique.
D’abord dans le Monde Magazine, puis avec le soutien réitéré de la chaîne publique de télévision, France 2 ; avec le 2 mars au journal télévisé de 20 heures un « dossier de la rédaction » de près de 4 minutes intitulé Louis Renault a-t-il collaboré ?, question à laquelle n’ont été invités à répondre que la petite-fille de Louis Renault et un historien non spécialiste de Renault, Julian Jackson. L’héritière au cours de l’interview a même affirmé que Louis Renault aurait offert à la Résistance son fils, s’il n’avait pas été unique !
Puis le 26 avril, dans l’émission Prise directe, à 20 h 35, les héritiers, ont montré aux Français les somptueuses propriétés de Louis Renault conservées à la famille, sans préciser leur éventuel rapport avec l’enrichissement, entre 1940 et 1944, de l’actionnaire très majoritaire de la Saur (plus de 96 % du capital).
Le journaliste a dit leur certitude de découvrir la preuve « archivistique » de l’innocence de Louis Renault, avec l’aide d’une journaliste américaine, qui prépare un film qui dénoncera l’injustice commise en 1944-45 par les gaullo-communistes ligués.

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L’usine de l’ïle Seguin. Bastion du syndicalisme en Mai 1968, plus de 30 000 ouvriers s’y cotoyaient avant la Seconde Guerre mondiale.


Trois ex-délégués CGT de Renault entre 1967 et 1982 Roger Silvain, Michel Certano et Aimé Albeher, et une historienne Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris VII, spécialiste de la « collaboration économique », se sont émus de cette tentative de réécrire un pan de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Depuis janvier dernier ils ont sollicité l’exercice d’un droit de réponse à cette puissante campagne unilatérale grimée en pieuse mission familiale. Ils ont écrit au premier ministre, au ministre de la Culture, ont tenu une réunion à l’Assemblée nationale mais en vain jusqu’ici, ils n’ont reçu aucune réponse.

Que les petits-enfants de Louis Renault veuillent redorer la mémoire de leur grand-père c’est touchant (d’autant plus touchant quand on sait qu’il y a des sommes fabuleuses à la clé) mais de là à vouloir réviser l’histoire de France, il y a des limites qu’il n’est pas question de laisser franchir.
Alors à l’évidence, il y eut inégalité de traitement, puisque Louis Renault qui avait illustré, certes avec éclat, un comportement général, n’était pas le seul. Plutôt que d’incriminer trop de beau monde les autorités gaullistes se résignèrent à « sacrifier » à l’indignation populaire le vieillard, Renault, mourant.
Faut-il pour autant réhabiliter Renault parce que tous leurs pairs ou presque se virent entre 1944 et 1949 épargner le châtiment pour des faits similaires ?
On peut toujours discuter de tout et sans cesse revisiter les preuves et les arguments, mais pour autant il est des vérités historiques qu’il n’est pas possible de contester.
Oui n’en déplaise à sa famille, Louis Renault a été un collaborateur du régime nazi et le dossier historique est même accablant.

Pour commencer comme le rappelle l’historienne Annie Lacroix-Riz, il existe des liens organiques entre le comportement politique et économique de Louis Renault pendant la crise des années 1930 et ses choix de 1940-1944 :
En premier lieu la violence extrême dans la gestion des rapports sociaux. En liaison avec la police et les organisations fascistes regroupées en cagoule depuis 1935-1936 il prépara, comme ses pairs, un plan de liquidation du régime républicain en finançant les ligues fascistes (parmi lesquelles les Croix de Feu du colonel de la Rocque). Louis Renault mène alors, ce que les militants de l’époque appellent une « guerre sociale ». Cette stratégie mit au premier plan son neveu par alliance François Lehideux, administrateur-délégué de la Saur (Société Automobile des Usines Renault) et chef de « guerre sociale », nommé, de septembre 1940 à août 1944, directeur responsable du comité d’organisation de l’industrie automobile, et, de juillet 1941 à avril 1942, ministre de la production industrielle.
En second lieu sa vision industrielle et la mise en place du Comité européen de l’automobile. Dans ses entretiens avec Hitler en 1935, 1938 et 1939, il vante la paix franco-allemande et exalte le futur cartel « européen » de l’automobile qui chasserait la concurrence américaine. C’est ce cartel, dénommé Comité européen de l’automobile, qui fut institué entre novembre 1940 et mars 1941, encore sous la houlette de Lehideux.
Ainsi il semble bien que Louis Renault n’était pas un démocrate mais qu’en plus il voyait son intérêt dans le succès d’une Europe unie derrière Hitler.
C’est donc en toute logique que son zèle immédiat pour la production de guerre s’est exprimé dés le 1er août 1940 dans l’accord écrit, signé de son nom, pour réparer les chars Renault pour la Wehrmacht.
En confirmant cet accord le 4 août, son entourage prit seulement la précaution, par la voix de Lehideux, de demander aux Allemands de prendre officiellement la direction des ateliers qui seraient chargés de ces réparations.
On comprend les réticences de l’entourage de Louis Renault quand on sait que lors de cette réunion du 4 août ratifiant l’accord, Lehideux devait déclarer « que son oncle était tout juste revenu aux usines quand il avait eu les premières discussions avec le commissaire allemand et qu’il n’avait pas eu le temps de se mettre au courant des directives de son gouvernement, ni de se rendre compte exactement des sentiments de ses collaborateurs, directeurs, ingénieurs et maîtrise, dont certains venaient de combattre dans des chars Renault. Après ses entretiens du 1er août, M. Renault a dû se rendre compte qu’il ne pouvait pas demander à ses collaborateurs d’effectuer les travaux qui lui étaient demandés. [...] Ce n’est pas au moment précis où l’on demande à l’industrie automobile et aux usines Renault de s’engager dans la voie de la collaboration avec l’industrie allemande que l’on peut demander aux cadres de l’usine d’effectuer les travaux qui apparaissent comme les plus pénibles pour leur sentiment national. »
Ce que les Allemands en charge du compte rendu de la réunion traduisent en ces termes :

- 1°. Les cadres des usines Renault refusent d’exécuter les instructions données par M. Renault pour la réparation des chars.
- 2°. Les usines n’ont pas demandé aux ouvriers s’ils seraient d’accord pour effectuer ces travaux.
- 3°. Il y a opposition entre M. Renault et la direction des usines sur cette question.

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Char FT-17. Une usine en 1918 produisant le premier char à tourelle. 3 500 exemplaires furent construits.

M. Lehideux répond que ces déclarations ne peuvent se traduire en formules aussi absolues. La réticence des cadres s’est manifestée sous une forme plus nuancée. Aucune question ne leur fut d’ailleurs posée. M. Lehideux estimait de son devoir de traduire ce qu’il savait être le sentiment profond qui animait ses cadres. Puis il rappelle comment il envisage la collaboration des usines pour faciliter le travail de la direction allemande qui serait chargée de la réparation et, sur la demande du ministre, donne sa parole qu’il donnera l’aide utile.
Ainsi naquit cette notion de « réquisition » allemande, née d’une demande française, astuce juridique dont les collaborateurs se serviront pour cacher leur responsabilité la libération venue.
Ce zèle ne se démentit jamais, et fit de l’industriel le symbole spectaculaire de la collaboration économique, salué d’ailleurs par la surreprésentation de la Saur dans les bombardements alliés de 1942-1943.
Renault, qui avait haï l’idée d’une guerre contre l’Allemagne, voua entièrement ses usines à la seule guerre qui, une fois les comptes réglés avec la France, comptât pour le Reich, celle contre la Russie : exigeant des ouvriers le maximum de rendement « avant le 15 juin » (1941) – une semaine avant l’Opération Barbarossa contre l’URSS.
La Saur maintient son enthousiasme jusqu’au bout. Elle discutait encore en juillet 1944 avec les Allemands des « usines souterraines » en fonctionnement ou en projet pour alimenter leur effort de guerre.

Le prétendu ermite d’Herqueville retiré dans ses terres normandes rencontrait régulièrement les Allemands pour pousser la production et réparer les dégâts des bombardements alliés, remboursés par Vichy, c’est-à-dire le contribuable français. C’est lui qui, début novembre 1942, au cours d’un entretien avec le « plénipotentiaire chargé de l’automobile », le général Thoenissen, lui « proposait de prendre une commande importante de moteurs d’avions […], lui a donné son accord de principe sous la condition que lui soient rendus les ouvriers nécessaires. [...] Les usines Renault ont adressé au COA [comité d’organisation de l’industrie automobile], le 17 septembre 1942, un projet de construction de leur forge et chaufferie du Mans […,] étudié par les usines Renault sur la demande de l’Oberkommando des Heeres (haut commandement de l’armée de terre), en vue du forgeage de maillons de chenilles » de chars. C’est Louis Renault qui suggéra aux Allemands, fin août 1943, « de faire procéder au montage de tous les camions en dehors de Billancourt […] afin d’éviter des risques possibles de bombardement par suite d’une augmentation de fabrication ».
Ainsi le Renault de l’Occupation ne démentit pas celui de l’avant-guerre, et son neveu, comme le reste de sa garde rapprochée, l’aida à assurer la continuité. Lehideux est certes honni des héritiers de Louis Renault, qui le jurent seul responsable, dès juillet-août 1940, de la collaboration économique avec l’occupant ou de la « réparation [forcée] des chars » sur « réquisition ». Mais non seulement Renault ne chassa pas de sa société son neveu, mais Vichy promut ce dernier comme tous les auxiliaires de haut rang de l’industriel. Le 1er octobre 1940, Lehideux fut nommé « directeur responsable du comité d’organisation de l’industrie automobile » (COA) constitué le 30 septembre. En dépit de la prétendue brouille irréparable entre l’oncle et le neveu depuis l’été, Lehideux resta sous l’Occupation, membre du « conseil d’administration » de la SAUR dont « M. Renault », son président, continuait à détenir « une très grosse part majoritaire ».
Dans les mois précédant l’assaut allemand contre l’URSS, les usines s’étaient transformées en fourmilières, décrites par le menu aux services de renseignements gaullistes de Londres par une foule d’informateurs français qui requéraient toujours des bombardements industriels susceptibles de paralyser l’appareil de guerre allemand.

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Juvaquatre. Première Renault à carrosserie monocoque.


Dans ces courriers on peut lire entre autre :
« Les Établissements Renault à Billancourt travaillent jour et nuit pour les Allemands, fabriquant des automobiles et du matériel blindé. Une seule bombe lancée sur la centrale électrique située au Nord des fabriques suffirait à faire arrêter les travaux sans causer de pertes parmi les Français. Les Établissements Renault à Billancourt produisent actuellement une série de petits tanks Renault, qui sont livrés aux Allemands de la façon suivante : sous le contrôle d’un officier allemand, des ingénieurs français conduisent les tanks et effectuent deux ou trois tours sur la place en face du Pont de Sèvres. Lorsqu’il est évident qu’il ne peut y avoir aucun sabotage, des soldats allemands prennent les tanks des mains mêmes de nos ingénieurs. [...]
Les Établissements Renault ne fabriquent soi-disant pas de bombes incendiaires pour les Allemands, mais leur fournissent des milliers de pot d’échappement de voitures en tôle que les Allemands remplissent de phosgène avec une fraction de mélinite et obtiennent de cette façon très simple une quantité de bombes incendiaires. [...]
Fin avril, un ouvrier de Billancourt doit faire pour le 15 juin 420 pièces de tanks Renault. Ses camarades ont d’autres pièces à faire, mais le même nombre. Travail en série et à la chaîne de manière à avoir environ 420 tanks pour le 15 juin. Les Allemands sont très contents du tank Renault. »

Demeuré chef suprême de ses établissements, Louis Renault maintint sous l’Occupation sa vieille collaboration étroite avec la police française, à laquelle la Saur remettait toutes les fiches du personnel. « L’administration de l’usine » faisait appel à ses services à tout propos, pour arrêter ceux qui appelaient au sabotage de la production de guerre allemande : la responsabilité de la Saur dans l’arrestation de militants communistes ensuite livrés à la police allemande est strictement établie par des documents de la Préfecture de police.
On doit ici rendre un hommage particulier aux travailleurs de chez Renault, syndicalistes, militants communistes, patriotes, qui malgré la répression à l’intérieure même de l’usine, s’engagèrent dans la Résistance. Pour avoir distribué des tracts ou saboté la production beaucoup le payèrent de leur vie. On estime à 91 le nombre des déportés pour les usines Renault, dont 70 sur Billancourt. D’autres ont été fusillés au Mont Valérien, beaucoup ne furent pas identifiés, mais on a pu recenser avec certitude une quinzaine de fusillés issu de l’usine de Billancourt.
Ainsi l’évidence des faits est telle qu’il semble bien que les petits-enfants aient changé leur fusil d’épaule et qu’après avoir affirmé lutter pour la réabilitation de leur grand pére ils choisissent aujourd’hui un tout autre terrain d’offensive. Se saisissant de la « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC), ils passent à l’assignation de l’État pour « voie de fait » du général de Gaulle et de son gouvernement : ils le somment donc de leur consentir une indemnisation énorme, qui incomberait à nouveau au contribuable.
L’assignation abandonne donc le fond du dossier –la légitimité de l’action de l’État contre un individu accusé d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État » ou trahison (mandat d’arrêt du juge d’instruction Martin du 16 septembre 1944) pour contester « une voie de fait » attentatoire « au droit de propriété ou à une liberté fondamentale ».
Ils basent leur argumentation sur le fait que l’ordonnance du 16 janvier 1945, n’appartiendrait pas à la catégorie des « mesures imposées par les exigences de la défense nationale ».
Mais de fait, elle s’y inscrit au contraire pleinement, car la France participa à nouveau officiellement, depuis la Libération de Paris et l’installation en métropole du gouvernement du général de Gaulle, au conflit général dont la clique Pétain l’avait exclue en signant l’armistice du 22 juin 1940 : demeurant belligérante jusqu’à son terme, le 8 mai 1945, elle dut jusqu’à cette date utiliser l’essentiel de sa production industrielle (charbon, automobile, etc.) au service des alliés anglo-américains.
De plus « les héritiers Renault » signèrent le 15 mars 1947 avec le PDG de la Saur, Pierre Lefaucheux, un accord dont le point 3 leur interdit tout nouveau recours : « La Régie Nationale déclare ne pas avoir à revendiquer sur le patrimoine personnel de M. Louis Renault, soit en France, soit à l’étranger, la propriété d’autres biens ou droits que ceux ayant fait l’objet des arrêtés interministériels de confiscation visés dans le préambule et intervenus avant le 31 décembre 1945, c’est-à-dire dans le délai imparti par l’article 4 de l’Ordonnance du 16 janvier 1945, modifié par l’Ordonnance du 18 juillet 1945. De leur côté, les héritiers Renault renoncent à contester la régularité desdits arrêtés en fonction de l’Ordonnance susvisée du 16 janvier 1945 et se désistent des recours qu’ils ont formés devant le Conseil d’État. »
Que les petits enfants de Louis Renault tentent de récupérer le pactole, cela pourrait paraître anecdotique, mais en fait derrière cette initiative « familiale » se cache une vaste entreprise de réhabilitation du haut patronat français sous l’Occupation, relancée depuis les années 1990 par plusieurs historiens et politiques : qu’on se rappelle Denis Kessler ancien second du MEDEF qui le 4 octobre 2007 dans Challenges «  Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance [...] Il est grand temps de réformer, et le gouvernement s’y emploie [...] La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception [...] Il s’agit aujourd’hui de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. »
Derrière le cas Renault c’est l’ensemble de la bourgeoisie et du grand patronat qui tente de réécrire l’histoire, de poursuivre l’entreprise idéologique, d’un patronat défenseur des intérêts nationaux, bataille idéologique par laquelle il compte assurer définitivement leur domination et éviter toutes contestations sociales.
Cet épisode illustre s’il en était besoin tout l’intérêt pour les salariés pour les combats d’aujourd’hui et de demain de ne pas négliger l’histoire des combats d’ hier.

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Le Mont Valérien. Le Mémorial de la France combattante est un monument d’hommage aux Français combattants, résistants et déportés. Plus d’un millier de résistants furent exécutés dans la forteresse du Mont-Valérien

Cet article a été suggéré à Mémo Luttes par Guy Poussy qui a également fourni la documentation nécessaire.
Jacques Aubert en a assuré la rédaction en puisant largement dans l’étude historique de Mme Annie Lacroix-Riz.

Jacques Aubert Guy Poussy Annie Lacroix-Riz