
Lucie Baud
Qui connaît ce nom ?
Et pourtant Lucie Baud compte au nombre des héroïnes de la classe ouvrière.
Elle est née en 1870 à Saint-Pierre-de-Mésage dans l’Isère et décédera en 1913, à 43 ans, peut-être s’est-elle suicidée ? Entre temps elle aura mené des grèves mémorables, fait plier le patronat le plus réactionnaire avant que d’être broyée elle-même.
D’elle on ne sait presque rien, une ou deux photos, les articles de la presse d’alors et un article paru en juin 1908 dans Le Mouvement socialiste où elle raconte une partie de ses souvenirs de luttes.
C’est à partir de ces quelques éléments que Michelle Perrot, l’historienne de renom va mener l’enquête et écrire un livre passionnant, essayant de comprendre ce parcours, de renouer les fils. L’historienne confrontée à l’opacité des sources conduit son livre comme un roman.
La lecture de ce livre est tout bonnement passionnante. En même temps que s’y dévoile le parcours d’une femme d’exception c’est toute la condition ouvrière et plus particulièrement celle des femmes, des immigrées prisonnières des usines textiles qui nous est montrée.
Le témoignage de Lucie Baud débute ainsi :
« Je suis rentrée comme apprentie chez MM Durand-Frères, au Péage de Vizille, au commencement de 1883, j’avais douze ans. Il y avait à cette époque dans l’usine, environ 800 tisseuses. On y travaillait 12 heures et quelquefois 13 et 14 heures par jour. »
Avant de conclure :
« Dans ces derniers temps, l’organisation syndicale est intervenue utilement dans bien des cas ; pour faire respecter le repos hebdomadaire, pour forcer l’inspection du travail à agir, pour empêcher les heures supplémentaires, etc. Mais encore une fois, que ne reste-t-il pas à faire ? Qu’on songe à l’exploitation qui sévit dans ces bagnes ! Défense de s’absenter jamais, sauf des cas extrêmement graves, défense de parler, etc., etc. C’est à l’action syndicale qu’il appartient d’avoir raison des exigences patronales. »
Mélancolie ouvrière
Un livre de Michelle Perrot (éditions Grasset), historienne du travail et des femmes. Elle a publié de nombreux ouvrages et codirigé avec Georges Duby, L’histoire des femmes en Occident. Son précédent livre Histoire de chambre a obtenu le prix Fémina essai en 2009.